Austerlitz, le rêve d’une vie
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Lundi 5 Décembre 2005, © L'Est Républicain / Région
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Le Grand Prix de l'académie lorraine des sciences vient de récompenser Jean-Claude Perrin pour ses travaux de reconstitution à l'identique d'une pièce d'artillerie de l'époque napoléonienne.
NANCY. _ « Mon but n'est pas de jouer au soldat mais de parler de la vie quotidienne des hommes de cette époque. » Devant la copie fidèle d'un obusier de 6 pouces mis au point par Gribeauval, trônant de façon incongrue dans le jardin de sa maison de Chaligny près de Nancy, Jean-Claude Perrin est intarissable sur sa passion pour la reconstitution historique : « Certains écrivent pour transmettre des connaissances. Moi j'ai choisi cette voie. »
Autodidacte, Jean-Claude Perrin a d'emblée et en priorité dédié à ses parents le Grand Prix que vient de lui décerner l'Académie lorraine des sciences pour la très grande qualité de son travail de reconstitution de cette pièce d'artillerie datant de 1764 et pesant 650 kg : « Je leur dois ma passion pour l'histoire entre autres. Papa était ouvrier à Neuves-Maisons, maman femme au foyer. Les soirées à la maison étaient consacrées à la lecture. On allait se fournir régulièrement à la bibliothèque de l'usine. »
Rêveur
L'ouvrage « détonateur » sera un livre sur Napoléon : « D'Octave Aubry, précise Jean-Claude Perrin, abondamment illustré. Je l'ai reçu un soir de Noël, je devais avoir 6 ans et je l'ai toujours. Si un jour je devais en sauver un seul ce serait celui-là. » Depuis ce lointain 25 décembre, la passion de Jean-Claude Perrin pour l'Empire ne s'est jamais éteinte.
Une passion qu'il va assouvir parallèlement à un parcours professionnel sans conviction. Certificat d'études en poche, le voilà engagé dans un apprentissage de coiffure. « J'étais rêveur. Plus souvent à Austerlitz, à Wagram qu'à mon boulot », sourit Jean-Claude Perrin, « je manquais des cours de CAP préférant aller rejoindre un ami de la famille dans le labo d'archéologie au musée lorrain. »
Jean-Claude Perrin s'installe à son compte en revenant du service militaire avant de vivre une parenthèse de 12 années à l'usine de Neuves-Maisons _« une grande expérience de travail en commun »_, puis de revenir à la coiffure jusqu'à sa toute récente retraite. Qu'importe ce parcours chaotique. Pendant tout ce temps-là, il continue à réaliser des soldats, des figurines historiques. Il peint aussi, adore bricoler. Se nourrit de rencontres, de recherches. Et comme rien n'est impossible pour ce « bélier » forcément fonceur, l'idée de reconstituer à l'identique une pièce d'artillerie prend corps. « Ce n'était pas gagné d'avance parce que je n'avais pas d'argent. »
Alors Jean-Claude prend son bâton de pèlerin. Et les portes s'ouvrent grand tant sa folle passion convainc. Une entreprise de Champigneulles lui fournit les 350 kg de bronze nécessaire, une autre de Sommevoire accepte de le fondre, une autre encore installée en forêt de Haye lui fournit le chêne pour le fût en bois.
Le remerciement d'un potache
Côté réalisation, Jean-Claude Perrin s'attache de nombreuses compétences : son neveu Eric Boyette, ingénieur dessinateur, convertit les plans en pieds et pouces de l'époque ; un autre neveu, ébéniste, Franck Kissenberger, se charge de toute la partie bois, lui-même épaulé par son patron qui mettra tout l'outillage nécessaire à sa disposition ; quant à François Boyette, il consacrera des dimanches et des dimanches entiers à forger avec son beau-frère toute la serrurerie.
Une année et demie de travail où rien ne sera laissé au hasard. Pas le moindre petit boulon d'aujourd'hui pour réaliser cette oeuvre d'une totale fidélité, pas une once d'approximation dans les détails.
De cette aventure, « humaine avant tout », Jean-Claude Perrin n'oubliera jamais une très belle émotion : « Il me fallait trouver une école pour réaliser le maître-modèle et le moule du tube. Le lycée Blaise-Pascal de Saint-Dizier a relevé le défi. Aussi, de temps en temps, je passais voir l'avancement du travail. Un jour j'ai remercié un jeune pour le sérieux qu'il mettait à l'ouvrage. Il m'a répondu « c'est à moi de vous remercier de me donner l'occasion de faire quelque chose qui m'intéresse ». Ça, je ne l'oublierai jamais. »
Il y a quelques jours, il est parti avec cet obusier pour la grande reconstitution d'Austerlitz et à travers lui, une petite part de tous ceux qui ont participé au « rêve de sa vie. Un rêve que je n'aurais jamais pu réaliser sans ma famille et les amis », rappelle-t-il.
Marie-Hélène VERNIER
Il a fallu une année et demie à Jean-Claude Perrin pour aboutir à cette fidèle reconstitution d’un obusier de 6 pouces datant de 1764. Photo ER
Le 2 décembre 1805 - Victoire d'Austerlitz